RIMBAUD
Pour commencer, éléments biographiques…
20 octobre 1854, naissance de Jean-Nicolas Arthur Rimbaud
né de Frédéric Rimbaud, 47ème régiment d’infanterie de ligne à Mézières. Abandonne le foyer en 1860 et de Vitalie Rimbaud, paysanne, mère de 4 enfants qu’elle élève seule.
Janvier 1870 : rencontre de Georges Izambard, 21ans. Professeur de rhétorique. « Je vous aime comme un frère, je vous aimerai comme un père. » décèle le génie de l’adolescent.
« J’irai loin, bien loin comme un bohémien par la nature. »
Très jeune, dès toujours : ce que j’appelle « dynamique de l’EN-AVANT » :
· IMPATIENCE / d’abord soif de savoir. Remporte tous les prix. PRESSE.
· MODERNITE / Ecrit très tôt. « Il faut être absolument moderne. » « Libre aux nouveaux d’exécrer les ancêtres. » Travail de titan contre « la vieille poétique ».
« J’ai essayé d’inventer de nouvelles fleurs, de nouveaux astres, de nouvelles chairs, de nouvelles langues… » (source ?)
Conception du nouveau mieux que l’ancien qui ne caractérise pas seulement la poésie (cf. édition de dictionnaire, jambe artificielle…)
· PERPETUEL DEPASSEMENT, PERPETUEL DEGAGEMENT, ELAN INSENSE ET INFINI à LIBERTE caractéristique. Envie d’ailleurs, de voir le monde, les choses. « Trouver le lieu et la formule ».
Fugues à Paris, Douai… mi1870-début1871 abandon des études
Lettres à Izambard et Demeny, 13-15 mai 1871 (Lettres du Voyant) : exprime la nécessité et la condition d’un renouveau poétique.
« Le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. » « La poésie ne rythmera plus l’action, elle sera en avant. »
But : atteindre la connaissance entière de soi (l’amour, la souffrance, la folie…) :
« Il (le poète) devient le grand malade, le grand criminel, le grand maudit et le suprême savant. »
Refus d’une poésie descriptive et subjective.
Pour une poésie objective. Rimbaud, chasseur de mots.
Mouvement vers l’inconnu, à la fois horizon et la condition d’un renouveau poétique.
1871 : Rimbaud a rejoint Verlaine en septembre. Il a composé Le Bateau Ivre.
1872 : Vers nouveaux et chansons
1873 : Le « drame de Bruxelles » (pour info.)
Principales œuvres …
Une Saison en Enfer - 1873 | Illuminations - 1874 | ||
Renoncement aux rêves d’absolu. Effort du poète pour se libérer du passé et pour épouser de nouvelles formes de liberté. | Prose qui s’impose à Rimbaud comme une nécessité. Évolution formelle complémentaire de l’évolution spirituelle du poète depuis La Saison. Condamnation d’une entreprise poétique coupée de la réalité : saisir le réel. Invention d’un « nouvel amour » qui connaîtrait son inébranlable apogée dans le partage amoureux de la parole poétique. | ||
Bilan esthétique : échec. Résolument moderne | Dans « Alchimie du verbe » : Bilan d’ordre esthétique Constat d’échec de son entreprise de « voyant » : aspiration à un langage absolu mais poèmes de 1872 qui restaient empreints d’une « vieillerie poétique » désormais condamnée. | Le langage plutôt que le sens. | Dynamique de langage plus expressif. Le langage se substitue au sens. Le verbe, comme une énergie pure. Langue qui enjoint le sentiment d’une délivrance. « notation pure et simple » (1870, Delahaye) |
Retour à la terre, au réel. Recherche de la vérité plutôt que de la beauté et de l’absolu. | Pouvoirs « surnaturels » illusoires : il lui faut maintenant river ses rêves à la terre. « Moi ! moi qui me suit fait mage ou ange, dispensé de toute morale, je suis rendu au sol, avec un devoir à chercher, et la réalité rugueuse à étreindre ! Paysan ! » écrit-il dans Adieu qui clôt la Saison. | Saisir le réel. Elan. | Elan / rupture radicale avec la jeunesse échouée et impulsion vers un état de perfection. Tourment du démiurge frustré de sa création. |
ENLUMINER, illuminare « ÉCLAIRER » COLORER VIVEMENT « CHANGER LA VIE » | ILLUMINER, illuminare « RENDRE LA VUE » METTRE UN ECLAT, UN REFLET LUMINEUX SUR SAISIR L’ESSENCE MÊME DES CHOSES |
REPONDRE A UNE QUETE INVENTER UNE NOUVELLE MANIERE D’ETRE AU MONDE SE DONNER SENS ET ORIENTATION DANS L’EXISTENCE AUGMENTER SA PUISSANCE D’EXISTER |
Observation des résultats à
ECHEC : liberté et absolu non atteints. | INSUFFISANCE ET IMPERFECTION |
ABANDON DE LA POESIE – 1874, 20ans. + REFUS D’EDITION (parutions à son insu) |
Double mouvement : Dynamique de « l’en-avant ». cf.« La poésie sera tout en avant » puis repli. Mouvement de recul, abandon systématique de tout ce qu’il entreprend.
« inaccomplissement chronique », lutte constante contre ce qu’on peut appeler « puissances mortifères » . Ce que la littérature ne peut pas saisir (selon Rimbaud, puisqu’il l’abandonne) et qu’elle révèle en même temps…
A part la littérature…
1875 : apprend l’espagnol, l’allemand, l’arabe, l’italien. Février à Stuttgart. Passage à Milan.
1876 : après Vienne, Bruxelles, Rotterdam, s’engage dans l’armée des Indes néerlandaises. Rimbaud déserte le 15 août.
1877 : Brême puis Stockholm (sans doute avec le cirque Loisset), Copenhague puis marche en Norvège vers le nord. Puis Marseille puis Rome.
1878 : Hambourg, Alexandrie. Dirige 70 ouvriers à Lanarca (Chypre). Retour à Roche, malade. L'infini reste à trouver.
1881-1884 : Commerce, photographie, explorations, expéditions. Parution de son Rapport sur l’Ogadine, 1884.1880 : Chypre, dirige le chantier du mont Trodoros, où s’élève la résidence du gouverneur anglais. Errance le long des ports de la mer Rouge. Recueilli à Aden, à l’agence Bardey. Parvient à Harar, Ethiopie en décembre.
1881-1884 : Commerce, photographie, explorations, expéditions. Parution de son Rapport sur l’Ogadine, 1884.1880 : Chypre, dirige le chantier du mont Trodoros, où s’élève la résidence du gouverneur anglais. Errance le long des ports de la mer Rouge. Recueilli à Aden, à l’agence Bardey. Parvient à Harar, Ethiopie en décembre.
1884 : Parution à son insu des Poètes maudits de Verlaine.
1885 : Prépare une expédition d’armes pour Ménélik
1886 : Rimbaud part seul à la tête d’une caravane de 100 chameaux, portant 2000 fusils ; échec complet. Parution à son insu des Illuminations.
1887 : Publication au Caire de ses récits dans Le Bosphore égyptien.
1888-1890 : Commerçant indépendant à Harar (11 caravanes de Harar à la côte)
1891 : Violente douleur dans le genou droit (février), Rimbaud se fait porter en civière à Zeilah (avril), liquide ses comptes à Aden. Amputation à Marseille (27mai). Juillet à Roche. Retour à l’hôpital de la Conception, où il expire, le 10 novembre.
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Souci de saisir « les sensations neuves » dont parlait Rimbaud à Mallarmé à propos des voyages en Arabie et en Abyssinie mais impossibilité. Errance et quête qui le remet à plus loin. Toujours mené à un autre « ici », au non lieu. « J’ai dans la tête des routes dans les plaines souabes, des vues de Byzance, des remparts de Solyme » (Une Saison)
Jamais cessé de marcher : Rimbaud = homme de passage. Mouvement de dégagement et de dépassement que dit la poésie (cf. Génie, dégagement rêvé d’arrachement). Trouver, Errer, Rêver.
(trouveur/trouvère ; tropare = « composer » (un poème) puis « inventer » )
Lieux égrenés tant dans l’œuvre que dans la correspondance, réels ou fictifs (« aller ») qui évoquent toujours de grands voyages. Mais aussi le lieu réel et vers lequel il tend, souvent mentionné en toutes lettres : « n’importe où ». Rimbaud ne cesse, pour l’atteindre, de marcher, même amputé d’ailleurs (avec ses béquilles). Thématique de la route sonne sous ses pas autant qu’elle résonne dans tous ses états vers cet ailleurs originel. « la grande route, par tous les temps » (Sensation, Mauvais Sang…) ; « Ailleurs », le superlatif d’ici. Ex : Zanzibar, dont il rêve pendant 7 ans et où il n’ira jamais. L’utopie même, le non-lieu. Vie qui s’achève à Marseille et qui s’accomplit « tout en avant dans la force » (Verlaine).
Activités diverses (cf. éléments biographiques) : toujours trouver « quelque chose » à faire, « n’importe quoi » > n’importe quoi, n’importe où. Ascète de la vraie vie : mène tout en avant cette vie « belle de logique et d’unité » (Verlaine, 1888).
à Ne cesse pas de chercher. Œuvre et individu en perpétuel dépassement. Toujours plus loin vers l’inconnu, vers l’infini. à art/vie.
Double dynamique parce que toujours insatisfait : thématique de la ville : Villes aimées et détestées tour à tour, « splendides villes » auxquelles il tend de tout son être en vain. Cf. Aube : le mirage décrit. Vision poursuivie évanescente et illusion. « Il voulait s’évader de tout son être. » (La Vierge Folle).
Abandonne tout ce qu’il entreprend // Echec et déception systématiques. Rimbaud, pris dans le tourment du progrès, ses propres poèmes à leur tour sont aux yeux de Rimbaud sans cesse affectés d’ancienneté à peine achevés, il les rejette à mesure qu’il les dépasse (les écrits ?)
« maudit par lui-même » disait Verlaine.
A noter aussi, Rimbaud = mille projets, toujours dynamique de découverte pour répondre à ses aspirations, vers aux satisfactions ultimes : le salut et le repos, de nouvelles formes de liberté… Thème évidemment originel (Charleville, dès 1870) : « J’espérais des promenades infinies, des voyages (…) du repos » ; « Sapristi, moi je serai rentier ! » 1864 (10 ans). « Sauvé ! » dirait Une Saison. Différentes formulations : « salut », « vraie vie », « liberté dans le salut », « vérité dans une âme et un corps », « repos » dans la correspondance.
La poésie qui devait « changer la vie » fut une « formule » (cf. «moi, pressé de trouver le lieu et la formule ») parmi d’autres. Poésie orientée dès le départ vers la quête d’une essence. Mais abandon de la poésie comme du reste. Renoncement à toutes les directions explorées comme autant d’impasses. Tout déçoit Rimbaud.
Epuisement parce que toujours en lutte. « Je suis condamné, dès toujours, à jamais ». (à Charleville dèjà. Nécessaire expiation (=souffrance imposée ou acceptée à la suite d’une faute et considérée comme un remède ou une purification, la faute étant assimilée à une maladie ou à une souillure de l’âme.) à la fois originelle mais impossible.
Nb. : Marche associée tout autant à la découverte qu’à la punition. L’homme expulsé du paradis est condamné à marcher. Nb : donnée originelle, pas après l’entreprise poétique.
Rimbaud, toujours seul, cherchant pathétiquement « la formule », par mille idées qui affluent sans cesse. Véritable permanence de l’abandon : ici ou là… toujours l’errance. Cf. Lettre à Izambard, dès 1870 « Je suis dépaysé, malade, bête, renversé… ». Insuffisance chronique, accomplissement jamais atteint.
Nb. : Mort d’une amputation (5mois après) / empêche définitivement tout mouvement « en-avant ». Marche finalement impossible et dynamique rompue donc mort.
Retour au fait qu’il abandonne la poésie à
A noter, l’ouverture d’Une Saison : « J’ai assis la Beauté sur mes genoux – Et je l’ai trouvée amère. – Et je l’ai injuriée. ». Préoccupé d’éthique nouvelle, il dédaigne la beauté et cherche la vérité > « n’importe où, n’importe quand » = « moi, pressé de trouver le lieu et la formule ».
renonce à la vanité d’écriture (cf. Une Saison). « ça » ne l’intéresse plus. Cf. (brouillon) « Maintenant, je puis dire que l’art est une sottise ». Rimbaud ne se suffit pas du poème.
Impossibilités d’écrire et de vivre égales et étrangement liées. Rimbaud, le tourmenté. Quêtes physique et métaphysique exigées au plus vite ici-bas. Jusqu’au bout, le refus de tout état et l’exigence de la liberté.
S’il fallait conclure en recentrant le propos
à remise en cause du postulat ? : question de la suffisance de l’entreprise de création.
CREATION POETIQUE INSUFFISANTE ET INSATISFAISANTE PUISQU’ABANDONNEE ? RELATION COMPLEXE ART/VIE AUGMENTATION DE LA PUISSANCE D’EXISTER TOUTE RELATIVE CAR ECHEC CONSTANT. TOUJOURS LA MISE EN DOUTE… LA CREATION = UN LEURRE DÈS 20 ANS. |
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