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07/06/2011

Fleurs illuminées ! (telle une Margaux, un certain lundi...)

Comme promis, quelques éléments de réflexion autour des "fleurs" qui nous ont tant enivrés ce matin !

Dernière œuvre de Rimbaud à la chronologie incertaine, la cinquantaine de poèmes en prose des Illuminations propose de gracieuses déclinaisons verbales comme « Fleurs ». Ces fééries lexicales et rythmiques approchent sans doute au plus près des « Lettres du voyant » de Rimbaud (1871) : « trouver un lieu, trouver une langue, habiter le lieu de la langue. »
« Fleurs », Illuminations, Rimbaud

  • De la prose pour poésie

    • La modernité du poème en prose
Idée 
Citation 
Procédé 
- Innovation récente : le poème en prose
(origine : Aloysius Bertrand, poète romantique, Gaspard de la nuit, Baudelaire, Petits poèmes en prose, Spleen de Paris Pour info, Baudelaire disait rêver « le miracle d'une prose poétique, musicale, sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s'adapter aux mouvements lyriques de l'âme, aux ondulations de la rêverie, au soubresauts de la conscience ») à savoir par cœur
intégralité du poème
versification





 
- Un objet autonome, isolé sur la page = univers clos dans lequel le monde de la rêverie (de la poésie !) entre en tension avec le monde réel.
Strophes, détachements

 
    • Un rythme qui permet une éclosion harmonieuse, encadrée par un décor
Idée 
Citation 
Procédé 
Une musicalité inhérente à la poésie
- mesure : 3 strophes composées chacune d'une phrase de plus en plus courte.
1. « Parmi…. Et… la digitale »
2. « Des… des … et … la rose d'eau »
3. « La mer et … la foule des jeunes et fortes roses »
Phrases étoffées puis chutes.  

 
 
- harmonie et emphase : formation identique : pour chaque strophe (et donc chaque phrase, mise en place d'un décor extrêmement riche pour voir enfin l'apparition de la fleur en fin de phrase
{ex : parenthèse de la strophe 1}
Enumération des substantifs en construction parallèle, gradation : multiplication des pluriels = amplification
Nombreuses juxtapositions : effet de flot, celui de la prose
Effet de parallélisme entre les strophes
La forme de la prose permet davantage l'expansion de la poésie, l'évocation de la profusion. Alors que le vers est coupé à chaque ligne, la prose peut s'étendre à l'infini.

 
  • Une poésie visionnaire

    • Rêverie sensorielle
Idée 
Citation
Procédé 
- Mise en place d'un riche cadre visuel dans lequel les fleurs vont éclore à mesure que le poème progresse.
{voir chaque début de strophe}
« gradin » (là où l'on se place pour voir), « yeux » x 2, « je vois »
Description, énumération
Champ lexical de la vue

 
- Profusion de couleurs qui reviennent, se nuancent, s'opposent…
  1. « or, grises, verts, noircissent, argent »
  2. « or jaune, agate, acajou, émeraudes, blanc, rubis »
  3. « bleus, neige, mer, ciel, marbre »
Jeu : explicite / implicite : entre le dit et le suggéré
- Profusion de matières également : pierres précieuses, tissus précieux

 
  1. « or, soie, gazes, velours, cristal, bronze, filigranes, chevelures »
  2. « or, agate, acajou, émeraude, satin, rubis »
  3. « neige, marbre »
à associer au champ lexical du toucher
- Evidemment, accent mis sur les fleurs, elle-mêmes (certaines sont rêvées > création de Rimbaud), profusion là encore.
« la digitale »
« la rose d'eau »
« la foule des jeunes et fortes roses »
Référence implicite à l'odorat (rose > réputée pour la douceur et l'intensité de son parfum)
Nb : « rose d'eau » = néologisme
« la foule… » : personnification et hyperbole > ampleur et impression d'absolu, d'infini accentuée par la réf. divine, le ciel, la terre.
- « Un bizarre dessin » (pour reprendre les mots de Rimbaud dans un autre poème extrait des Illuminations, « Les ponts ») : une composition de lignes verticales et de formes circulaires
« cordons, filigranes, piliers, fines verges » / « disques, pièces, dôme, entourent »


Réseau de mots relié aux formes
- Un imaginaire qui nous renvoie à la poésie. Cela se transmet, en plus, par la dimension sonore, musicale.
« gazes grises (…) bronze », « velours verts »
« d'un g[ra]din [d'or] p[ar]mi les c[ord]ons… »
allitérations, assonances, divers jeux sur les sons
réf. : « trouver de l'inconnu (…) l'alchimie du verbe » > les sonorités doivent pouvoir créer des objets nouveaux, des images inédites.
Composition d'un véritable tableau sous nos yeux : le dessin, la composition, la couleur, l'aspect… le tout visible grâce à la lumière de l'illumination. Le poète « voit » ces éléments apparaître ; il nous en propose une transcription qui fait émerger des images. Malgré l'importante évocation des minéraux, nous n'assistons pas à la description d'une image figée mais au contraire à la naissance active des fleurs. Il en résulte une véritable impression de vie : une scène d'éclosion se déroule sous nos yeux. Ivresse qui se rapproche de celle du rêve.
  • La théâtralité inhérente au poème (à associer à l'importance de la vision
Idée 
Citation 
Procédé 
Des références au théâtre plus ou moins explicites (interroger le sujet) :
- le lieu théâtral, aspect monumental ?
« gradin », « dôme », « terrasses »
CC lieu, champ lexical
- les costumes ?
cf. ci-dessus
Réf. aux matières et aux tissus
- le public, les spectateurs ?
« yeux », « chevelures »
Synecdoques
- la mise en scène > ambiguïté : « je », entre metteur en scène et spectateur de la scène.
« je vois »


 
Référence claire à la « lettre du voyant »
Évocation du « je » : cela rappelle le lyrisme (expression du « moi » et des sentiments). Or, ici : « je » dit ce qu'il voit et non ce qu'il éprouve !
- la lumière
« or » x2, « argent »
- l'importance du nombre et du foisonnement (sur et devant la scène)
« parmi les, les, les… », « sur un tapis d', d' et de… », « des, des des et de… », « un dieu aux énormes… »
Énumération, accumulation, hyperbole = procédés utilisés au théâtre, qui participent de l'emphase

Un poème court mais d'une richesse admirable, tant du point de vue du style que des images évoquées.  Faire le lien avec l'héritage : poésie classique, références à la divinité, à la nature… et faire le lien avec la postérité : poésie d'Apollinaire, de Desnos et des surréalistes. Rimbaud : celui qui permet de travailler sur un « au-delà du réel »… vers un « sur-réalisme » !

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